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La route de Forester

21 juin 2009

Forester

Où qu'il aille, Forester finissait toujours par se perdre. Volontairement. Il considérait la perte de temps comme un luxe indispensable, il n'avait de toute manière pas vraiment les moyens d'en avoir d'autres. A 54 ans, il se demandait s'il avait raté sa vie. Il courait les expositions gratuites, flânait dans les parcs, déambulait dans les rues et découvrait le relief des villes à travers leurs jardins calmes et leurs trottoirs bruyants.
Il se posait la question, parce qu'il lui semblait que sa vie manquait de fondations. Légère et inconsistante, comme un morceau d'ouate dans la brise.
Il n'avait pas d'enfants, ne possédait pas de maison ou d'appartement, ni de voiture.
En outre, il n'avait pas de chien.
Forester tenait les bancs publics et les chaises des parcs pour un acquis social des plus intéressants. Dans une ville sans jardins, il était difficile de s'assoir dignement ET gratuitement; c'est la raison pour laquelle il choisissait toujours soigneusement ses destinations en fonction de leurs espaces verts.
Forester avait eu son petit moment de gloire pas le passé; un livre qu'il avait écrit rapidement, et qu'il voyait aujourd'hui d'un sale oeil.
Ce bouquin lui avait fait croire qu'il avait du talent.
Et en fait, il n'en n'avait eu que pour celui là.
Vaguement journaliste, vaguement invité à des conférences, vaguement tout, Forester avait fini par divorcer vaguement de Mélise.
Mélise, lassée de toutes ces vagues, avait, quant à elle, divorcé d'une manière beaucoup plus solide.

Forester habitait tout près de Rego Park. Un petit appartement qui lui ressemblait, sans gloire ni tristesse.

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